Comédienne, metteure en scène, formatrice, femme engagée, la Témiscamienne Solène Bernier se nourrit de la créativité qu’elle fait jaillir des êtres qu’elle rencontre pour créer à son tour. Elle décrit sa démarche comme du théâtre social « par et pour » qui émerge d’ateliers de créativité qu’elle anime et d’exploration à partir de matériaux recyclés. « Mon inspiration c’est l’observation du processus créatif ».

Moins appelée sur les scènes de la région, « en vieillissant, on devient moins intéressante », ose-t-elle dire, elle se consacre depuis 2010 au théâtre pour enfants. « J’aime leur émerveillement, leur spontanéité, ça a toujours cliqué entre nous! ». Elle a présenté son spectacle de marionnettes Titotu près de 300 fois à travers le Québec.

En 2018, elle reçoit une bourse, première en carrière, pour faire de l’exploration avec des enfants de Témiscaming. De leurs interactions naît Luminuciole et les bas perdus, mini-théâtre interactif pour les 3 à 6 ans, fable sur la force de la créativité. Les décors, en matériaux recyclés, ont été créés avec l’artiste Sophie Lessard. Après deux représentations fin 2019, une autre était prévue au festival Petits bonheurs en 2020, suivie d’une tournée. La COVID-19 a changé les choses.

Autre coup de cœur de l’artiste : les personnes âgées vivant avec des troubles neurocognitifs auprès de qui elle travaille depuis deux ans. « C’est leur créativité qui les sauve ». Elle voudrait faire de l’exploration avec les personnes atteintes et leurs proches, créer un personnage avec Sophie Lessard « qui leur ressemble, leur plaît, leur fait du bien ». Elle nommerait ce projet Fragments d’étoiles.

Mais financer du théâtre social en région n’est pas simple. Pour le programme territorial du CALQ, l’artiste doit s’associer avec un organisme local qui correspond à son processus créatif. Pas une mince affaire au Témiscamingue. Les partenaires recensés par Solène n’ont pas été jugés suffisamment en lien avec son processus. Retour à la case départ. « J’ai toujours créé par plaisir et pour donner la parole aux personnes qui ne l’ont pas souvent. Mais à 47 ans, je ne paye plus tout de ma poche. »

« J’ai le sentiment de revenir à la base, quand je faisais des mises en scène avec les moyens du bord […] ça devient problématique ». Pour adapter Luminuciole à la pandémie, alors que la demande est là, il ne lui manquerait quelques centaines de dollars.

De son propre aveu, Fragments d’étoiles n’était pas assez « théâtral » pour cadrer avec le programme. « Il faudrait que je travaille davantage avec le numérique qui est en vogue », croit-elle, « le théâtre social n’est plus très à la mode, mais c’est ce qui me parle ».

Solène Bernier a tout de même des alliés dans son milieu, notamment le Centre de femmes du Témiscamingue, le Musée de la Gare et l’atelier Cent Pressions. En répétition, elle espère présenter Titotu, « qui coûte moins cher et se déplace bien », dans le cadre du festival Petits bonheurs en mai, et continuera de créer malgré tout.


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