Houria Hamzaoui est originaire d’Algérie et établie à Rouyn-Noranda depuis neuf ans. Professeure en didactique des mathématiques à l’UQAT, grandement impliquée dans sa communauté, elle fait parfois part de ses réflexions sur les réalités et les défis posés par l’immigration. Elle s’intéresse ici à la question de l’islamophobie en général et dans le contexte régional.  

 

Ce texte n’a pas la prétention dapporter une réponse définitive à cette question. Le but est d’alimenter la réflexion par des éléments de mon vécu et de mes lecturesDans mon parcours migratoire, j’ai pu constater comment une personne peut se retrouver dénudée de son humanité, de sa subjectivité et des différentes déclinaisons de son identité. J’ai pu voir comment l’humain peut être profondément bon et aussi cruellement méchant. 

 

Avant de tenter une définition du phénomène, il me semble important de lever certaines ambiguïtés au sujet des personnes musulmanes. Celles-ci ne sont pas forcément arabes, immigrantes ou racisées. Les personnes qui se définissent comme musulmanes ne sont pas toutes pratiquantes et un nom arabe n’est pas un indice d’islamité. Le turban est un élément culturel dans certains pays musulmans. Même chose pour la forme et la couleur du foulard dit islamique qui est d’ordre esthétique, culturel et qui subit également les lois de la mode. 

 

Le terme « islamophobie » n’est pas récent, mais les tentatives de le disqualifier en font un mot indésirable dans la société québécoise. Il ne sert pas à limiter la liberté d’expression ou à prohiber la critique de l’islam. Il existerait des oppositions1 sémantique et pragmatique quant à son usage au Québec. Le discours d’une certaine classe médiatique et politique laisse entendre que le reconnaitre reviendrait à légitimer la présence de l’islam, religion « importée » avec l’immigration « massive » alors qu’un autre discours appelle à nommer un phénomène social qui prend de l’ampleur. 

 

L’islamophobie ne désigne pas une simple phobie humainement compréhensible et socialement acceptable. L’expérience de l’islamophobie est celle du rejet, de l’illégitimité et de la difficulté à accéder à l’indifférence publique. Le phénomène revêt un caractère genré vu qu’il est influencé par les rapports sociaux de sexe et que ses premières cibles sont les femmes musulmanes portant un foulard. L’islamophobie serait donc un processus social complexe2 qui essentialise des personnes sur la base de leur appartenance réelle ou supposée à l’islam, faisant d’elles la représentation par excellence de l’Autre absolu. 

 

L’islamophobie se manifeste à travers le discours haineux et les agressions verbales et physiques. En Abitibi-Témiscamingue, la plupart des actes islamophobes ne sont pas dénoncés par les victimes. L’illustration la plus frappante est celle des nombreux commentaires haineux en réaction à la modification dans le libellé d’un règlement de zonage de la Ville de Rouyn-Noranda pour y inclure le mot « mosquée ». Cela avait soulevé l’indignation des internautes alors qusix musulmans venaient d’être abattus à Québec deux jours auparavant. 

 

Certaines peurs sont légitimes, mais d’autres ne sont que le reflet de problématiques beaucoup plus profondes comme celle de la place de la religion dans l’espace public, remise sur la table par la visibilité de l’immigration récente. Dans ce contexte, il importe de garder l’esprit ouvert, d’interroger son rapport à l’autre et de s’informer auprès de sources fiables.  

 

Sources: 

 

1. Gauthier, G. (2020) « Islamophobie ? » Les infra-débats sémantique et pragmatique d’un conflit de nomination. OpenEdition Journals, 37(1) .

 

2. Hajjat, A. Mohamed, M. (2016) L’islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le problème musulman. Éd. La découverte.


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