Du 13 au 23 mars dernier, le premier ministre avait dit les choses clairement. Il avait revêtu son costume de chef d’État, il avait choisi un langage très simple, mais tout aussi rassurant. M. Legault, aux côtés du Dr Arruda qui frappait sur la table, avait passé un contrat avec le peuple, avec nous. En gros, ce qu’il dit« Le virus arrive, il faut s’assurer que tout le monde puisse être soigné à l’hôpital. En échange, je vous demande de vous confiner au possible, de sortir moins souvent. » Le pacte est clair : un objectif précis, le fameux aplanissement de la courbe, et une mesure, certes draconienne, mais claire, celle de rester à la maison. Ce que les Québécois ont fait dignement. 

 

Jean-Jacques Rousseau a écrit sur le « contrat social ». C’est le nom d’un de ses livresJe ne suis pas philosophe, mais ce que j’en comprends, en résumé, c’est que l’état doit concilier l’aspiration au bonheur des individus avec la soumission à l’intérêt général. C’est un équilibre fragile, toujours, c’est jouer au funambule. Parfois, il faut renoncer à l’un ou l’autre, un temps bien sûr. M. Legault a joué de cela : pour l’intérêt général, nous nous sommes soumis, mettant de côté un temps notre travail, nos amis, nos loisirs, nos bonheurs. Au mois de mai, le contrat était encore simple. Toujours le premier ministre : « Je vous redonne une vie plus normale, mais le virus est toujours là, la courbe et tout. En échange? Distanciation, lavage des mains, pas de rassemblement. » C’était encore limpide. On aspirait au bonheur en essayant de favoriser l’intérêt général. Et les cas et les décès continuaient à descendre : la courbe à Arruda était à plat.

 

Mais depuis juillet, la brume s’est levée. On y voit moins clairLe 18juillet : masques obligatoires pour les 12 ans et plus. Le 24août : l’âge est abaissé à 10 ans. Arruda parle déjà de réveillons de Noël en Zoom (l’Halloween sera interdite, vous verrez!) alors que presque plus personne ne meurt et que les hospitalisations ne se comptent qu’en dizaines. Quel est le contrat? Le deal? Surtout, quel est l’objectif? Zéro cas? Zéro mort? Faut-il l’immunité collective ou vraiment attendre l’arrivée d’un vaccin? La communication par le gouvernement est de plus en plus difficile à suivre. Le fil de toute cette histoire s’entremêle et la soumission à l’intérêt général est de plus en plus difficile à accepter : chiffres au plus bas cet été, mais port du masque; code de couleurs pour les régions et menaces à la clef; bulles-classe, mais pas pour le sport-études; manifestations permises, mais pas plus de dix à la maison, etc. 

 

Les Québécois veulent, je pense, une ligne plus claire. Ils ne veulent pas des ruses des agences de communicants. Ils veulent un premier ministre qui donne un nouveau cap clair, mais surtout cohérent. On sait lire les chiffres, on peut poser des questions, remettre en question certaines décisions, je l’espère, sans être amalgamé à ceux qui croient que la Terre est plate. 


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.