Trois mois… à s’inquiéter, à chômer, à s’éloigner et, heureusement, à être solidaires. On n’a pas l’habitude de traumas collectifs du genre.

Tout ce temps passé avec la tête en quarantaine. Le cerveau assailli de consignes et de chiffres sur des morts sans visages. Chaque jour arrivaient des informations toutes neuves répétées jusqu’au lendemain. Nos esprits ont été frappés d’amnésie, mis hors de combat, par d’incessants poings de presse. Nos voix étouffées par le masque du consensus dès que l’on s’aventurait à poser une question dérangeante.

Ce n’est pas fini, mais… J’ai besoin que ma tête arrête. Je pars sans logique, tout de suite, malgré l’orage qu’on me dit gronder à l’horizon. Il serait là quelque part au bout du grand ciel sous lequel nous vivons. Il serait là, tel un compagnon de confinement, lourd des nuages assombrissant nos vies, nous empêchant de voir les étoiles et même de les imaginer. Je tourne le dos à cette réalité pour y échapper, le temps d’une chronique. Sans craindre la tempête, je marche l’été comme on marche un lot.

Sentir la terre vivre sous nos pas et comprendre ce qui nous soutient tous. S’offrir à tous les moments de clarté possibles. Y plonger du crépuscule jusqu’au retour des astres. Goûter à nos regards, nos démarches, nos sourires lumineux et vivants. Parler de tout avec qui veut parler de tout.

Embrasser le temps comme un enfant. Accorder les feux de camp aux chansons de tout temps. Voyager, à vol d’outarde, du fond du lac Kipawa jusqu’au bout de l’Harricana. Entendre l’air battre sous nos ailes. Jouer au grain de pollen en rêvant de fruits sauvages. Revenir de ce songe en s’éveillant près des braises. Voir en soi et au loin.

Boire l’eau de pluie lorsque l’orage vient. Coucher sous un pin, dans un camp de chasse, sous un canot renversé, dans un char abandonné ou une grange pour s’en protéger.

Échanger des idées, en donner, s’en faire donner. Garder l’esprit ouvert comme une rivière en crue au printemps. Se laisser déborder. Dire oui aux possibles. Semer la confiance. Récolter ce qui adviendra.

Et quoi encore? Mais tout, tout encore, tout!

Voilà, c’est ça, juste ça : prendre une distance pour démasquer l’été.


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