On oublie souvent à quel point il est difficile d’entrer dans une nouvelle gang. Être un nouvel arrivant, se sentir seul et dépaysé, à nu devant un groupe qui te demande :

–  Et toi, la recrue, dans quoi veux-tu t’impliquer en tant qu’administrateur pour les douze prochains mois de ton premier mandat?

–  Euh…

 

Il est certain que, lorsqu’on est un professionnel ou un bénévole aguerri, on connait nos forces et nos faiblesses (manque de temps, par exemple) et c’est facile de dire :

 

–  Moi, je veux mettre à jour le site Web. Je suis designer Web, j’vais faire ça à temps perdu de chez moi!

 

Ou encore :

–  Comme j’ai travaillé longtemps pour les festivals X, Y, Z, je peux très facilement nous organiser un lac-à-l’épaule vraiment hot pour notre planification stratégique. Je connais telle personne du milieu qui sera prête à nous coacher pour pas cher.

Lac-à-l’épaule? Planification stratégique? Leadeurship? Pérennité?

–  Pour vrai, je n’ai pas de préférence (lire ici : j’ai aucune idée de ce que je fais là, c’est mon ami qui m’a dit que ce serait cool de m’impliquer, mais pour vrai, j’me demande ce que je peux apporter, je n’ai pas d’expérience et tout le monde semble savoir où s’enligner).

Après quelques mois, réception d’une lettre de démission.

Ce qui m’amène à parler du fameux « toujours les mêmes » (TLM) ou comment une mauvaise intégration des nouveaux administrateurs, bénévoles et même employés peut engendrer des départs fréquents et finir par faire entrer une organisation dans le cercle vicieux du TLM.

Voici des pistes de réflexion sur l’intégration des nouveaux dans un processus de participation citoyenne fondées sur des ouvrages de référence et sur mon expérience d’administratrice et de membre actif de différents conseils d’administration, sur mes années de bénévolat et mes emplois comme responsable des bénévoles.

La participation citoyenne

Les gens qui s’impliquent veulent habituellement faire une différence. Pour avoir été responsable des bénévoles pour un groupe environnemental, je peux dire que c’est très rare que les gens trient les poubelles de festivals par pure bonté de cœur. La plupart du temps, le noyau central de ces bénévoles est formé de gens conscientisés par la cause qui pensent que chaque petit geste compte.

Il faut donc approcher des gens qui s’intéressent à la mission de l’organisme ou prospecter de futurs bénévoles et faire naitre l’intérêt en eux. Une personne touchée par la problématique que l’organisme tente de régler sera plus à même de se sentir interpelée par les actions de celui-ci.

Jusque-là, c’est simple! Ça se corse lorsqu’on ajoute un peu de psychologie des groupes.

L’intégration d’un individu à un groupe

Ce n’est pas parce qu’on essaie d’améliorer notre communauté qu’on arrête d’être un humain. Nous sommes des animaux sociaux aimant travailler en équipe, à condition d’avoir un certain sentiment d’appartenance pour le groupe et que celui-ci soit fonctionnel. Sans ce lien unissant les membres entre eux, l’implication la plus noble peut devenir une expérience très stressante. De plus, un groupe de travail présentant de nombreux conflits sera très peu attrayant, tant pour les gens déjà impliqués que pour les recrues potentielles.

Généralement, les groupes axés sur la participation citoyenne ont une raison d’être, un mandat clair (en théorie). On doit donc être certain que l’organisation sait pourquoi elle existe et qu’elle transmette cette mission aux administrateurs, aux bénévoles et autres personnes impliquées.

Lorsqu’un nouvel individu veut s’impliquer, qu’il est intéressé par la raison d’être de l’organisation, qu’il se sent impliqué par rapport à la mission, comment s’assure-t-on qu’il y reste?

Il n’y a aucune garantie. Un millier de facteurs peuvent faire en sorte que notre nouvel administrateur parte et que les mêmes personnes restent, année après année. Cependant, on peut augmenter les chances en misant sur une intégration réussie des nouveaux.

Cinq pistes d’actions vers une intégration positive

Toute personne qui fait partie d’un groupe qui se rencontre régulièrement pendant une période prolongée va se rendre compte que les relations entre les membres vont évoluer avec le temps.

  1. Premièrement, il faut essayer de se mettre à la place de l’autre, de se souvenir de notre premier conseil d’administration ou du temps où le fonctionnement du Code Morin était un mystère. L’empathie permet de mieux déceler les besoins de l’autre.
  1. Pour faciliter l’intégration, il est recommandé de faire une activité brise-lace avant les premières rencontres comme une séance de brainstorming en sous-groupes ou une activité ludique de quelques minutes. Il existe une multitude d’exemples d’activités qui permettent d’apprendre à se connaitre, de rigoler et d’être plus détendu.
  1. Ensuite, il est important de savoir qu’une nouvelle recrue n’aura pas nécessairement envie de donner son point de vue dès la première rencontre. Il faut trouver un équilibre.
  1. Lorsqu’on commence à s’impliquer, on est rarement familier avec le jargon de l’organisme. Afin d’éviter des malentendus, il faut s’assurer d’utiliser un langage simple, sans acronymes. Il faut éviter de tenir pour acquis que la personne comprend tout ce qui se passe, car la gêne empêche souvent de poser des questions. 
  1. Finalement, à la fin des premières rencontres, il peut être rassurant pour la personne qu’on aille la voir pour savoir comment elle a vécu la rencontre. C’est une bonne occasion pour revenir en groupe et faire un tour de table. Dans ce tour de table, on pourra investiguer quels ont été les points forts et les points moins compris ou moins aimés. Cela renforce le sentiment d’appartenance de tous les membres.

Il n’y a pas de recette miracle. Cependant, malgré le manque de temps et de ressources, il est crucial de mettre en branle un processus d’intégration des nouveaux.

Références

ANDRÉ, P. avec la collaboration de P. MARTIN et G. Lanmafankpotin. « Participation citoyenne », [En ligne] dans Le dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, [www.dictionnaire.enap.ca].

Lavoie, J. et J. Panet-Raymond. La pratique de l’action communautaire, Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 2011.

Moyse Steinberg, D. Le travail de groupe : un modèle axé sur l’aide mutuelle. Pour aider les personnes à s’entraider, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2012.

Turcotte, D. et J. Lindsay. L’intervention sociale auprès des groupes, Montréal, Les éditions Chenelière, 2008.