Peut-être avez-vous entendu parler de ce projet, par des amis ou par votre enfant si vous habitez le Vieux Noranda. Depuis une session, l’école Notre-Dame-de-Protection est animée par un projet magnifique : celui des Chiens-Loups. On peut même en voir les traces dans les corridors de l’école, où différents travaux des élèves et animaux empaillés font référence à la faune, à la nature et à ce qui est peu tangible, mais essentiel à tout un chacun : la liberté.

C’est l’idée d’Alexandre Castonguay et de Dominic Leclerc, duo que l’on a connu entre autres avec le magnifique film Alex marche à l’amour (https://vimeo.com/ondemand/20584/103935668). Ils questionnaient l’amour dans ce documentaire très poétique et touchant et ils se frottent maintenant à la notion de liberté avec la fable de Jean de La Fontaine, Le Loup et le Chien.

Cette recherche et ce travail de création se font dans une école traditionnelle, lieu où l’on enseigne à notre jeunesse, dans un cadre bien particulier et structuré, à vivre libre par l’acquisition du savoir.  

Professeurs, direction et élèves ont donc mis la main à la pâte pour que la liberté puisse devenir visible et comprise. Quel point de départ stimulant, n’est-ce pas? D’autant que l’institution offre une grande liberté à ses créateurs en permettant des cours à l’extérieur de l’école, comme on peut le voir dans le démo du film où l’on sent déjà la magistrale facture visuelle de Dominic Leclerc et l’engagement total d’Alexandre Castonguay dans ce projet. Comme quoi les écoles et les enseignantes (et enseignants) ont à cœur la spécificité de leurs élèves sans avoir besoin de réformes et de formulaires. Et ce qui est encore plus beau et touchant, c’est que les enfants de l’école ont voix au chapitre. Ce sont aussi eux qui parlent, définissent et traduisent ce que, pour eux, représente la liberté. On a vraiment envie d’en voir plus.

Comme le disent les instigateurs du projet, « cette école est située au cœur d’un quartier industriel défavorisé typiquement abitibien : d’un côté, les arbres, le lac, les grandes maisons riveraines et le ciel à perte de vue; de l’autre, la fonderie, les ruines de la mine à l’origine de la ville, les petites chaumières mal isolées. Ici, les classes sociales ne sont pas divisées en quartiers. Ils s’en partagent un. C’est dans cette trame de fond que l’artiste en résidence Alexandre Castonguay travaille avec les enfants la fable porteuse d’une dichotomie forte : la rencontre d’un chien en laisse bien nanti et du loup sans collier ni prochains repas de prévus ».

C’est aussi ce que l’on décide quand on est un artiste. La liberté de créer sans contraintes devient parfois plus importante que d’avoir un repas gastronomique. On apprend à se contenter de choses plus simples, puisque l’essentiel de la vie réside aussi dans ce besoin de liberté et de création. On a souvent plus d’un travail lorsqu’on est artiste.

Pour Alexandre, ce projet lui permet d’aller plus loin dans son travail de comédien.

« Dans la personne de l’enfant, j’ai affaire à un vrai professionnel du jeu… Enfin, quand j’ai affaire à un enfant qui a encore son « cœur d’enfant ». Parce qu’il y en a qui l’ont perdu. Sans égard à leur situation financière, la désillusion happe parfois très tôt, autant les riches que les pauvres. Donc, ces acteurs nés me donnent des leçons d’humilité, d’abandon, d’autodérision, sans compter que je ne leur vais pas à la cheville en informatique, pour ne nommer que cette matière. Mes études primaires étant aujourd’hui devenues un souvenir vague, les enfants ne manquent jamais l’occasion de mettre à jour mes connaissances, même les plus élémentaires!  »

De son côté, Dominic peut aussi, par ce projet, travailler librement en tant qu’artiste réalisateur et monteur dans un contexte où la création prime avant tout, comme il le dit lui-même :

«  Passer autant de temps dans cette école, c’est hyper stimulant. C’est un super beau terrain de jeu parce que c’est à la fois un microcosme (qui s’avère un joyeux reflet de notre société) et une sorte d’immersion dans l’enfance. Mais c’est également un lieu où il y a des règles et une routine très répétitive. Capter les questionnements par rapport à la liberté d’Alexandre en juxtaposant les différentes réalités des enfants s’avère tellement cohérent… Ça rend ce tournage très grisant.  »

Une campagne de sociofinancement est en cours afin de compléter le tournage et la postproduction. Voilà une belle façon de faire un geste concret pour soutenir les artistes, mais aussi les élèves et l’éducation : http://www.haricot.ca/project/leschiensloups.

Ne manquez pas ça! En prime : votre nom au générique d’un film qui, comme Alex marche à l’amour, ira loin.


Auteur/trice

Artiste multidisciplinaire et cinéaste indépendante, Béatriz Mediavilla est née en 1972 à Rouyn-Noranda, où elle demeure toujours. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études cinématographiques, elle enseigne le cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, elle a notamment réalisé l’ouvrage collectif multidisciplinaire Ce qu’il en reste : dialogue artistique sur la mort (2009), et a publié Des Espagnols à Palmarolle dans Nouvelles Explorations (2010) et dans Contes, légendes et récits de l’Abitibi-Témiscamingue (2011). Elle a également publié Entre les heures dans Rouyn-Noranda Littéraire (2013). Danse avec elles, son premier long métrage documentaire a connu une belle réception et a été présenté dans différents festivals, entre autres, à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, mais aussi La Havane et New York. Son deuxième long métrage, Habiter le mouvement, un récit en dix chapitres, a aussi été présenté dans plusieurs festivals dans le monde. Il a remporté entre autres, le prix du meilleur documentaire de danse au Fine Art Film Festival en Californie, meilleur long métrage documentaire au Utah dance film festival et le prix de la meilleure oeuvre canadienne au festival International du Film sur l’Art de Montréal. Son plus récent court métrage Axiomata, a aussi été sélectionné dans différents festivals à travers le monde.