C’est une phrase de Shakespeare, tirée de Hamlet, devenu comme un proverbe. Ça signifie qu’il y a un problème, un insaisissable presque imperceptible, quelque part, qui existe mais qui reste flou. Mais passons pour l’instant…

Aujourd’hui, ce qui reste au peuple, c’est le vote. Les gens peuvent prendre la rue, de temps à autre, mais les foules ne sont pas toujours nombreuses. On peut se rassembler dans des cuisines et discuter entre gens de bonne volonté, mais ça dépasse difficilement le seuil de la porte. Avec les élections ou des consultations, au-delà des clichés des « Tous pourris ! », « Rien ne change ! », phrases creuses, le peuple peut envoyer des messages forts.

En 2016, des signaux venus des électeurs furent de plus en plus clairs et lumineux : Brexit, Trump, Sarkozy et Hollande hors-jeu, Renzi en Italie, désavoué par référendum, un candidat d’extrême-droite autrichien à 50 % des voix à la présidentielle, Marine Le Pen qui sera au deuxième tour en avril.

Ces événements pouvaient nous sembler un peu fous ou improbables, il reste un constat à faire : le peuple envoie un message. Comme Shakespeare, ce peuple dit : il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark ! Dominique Albertini, journaliste à Libération, en France, expert du Front national, lance cette analyse :

Sans que leurs profils respectifs se recoupent parfaitement, ces bases électorales affichent de semblables motivations : rejet de la globalisation économique, refus de l’immigration et du multiculturalisme, rejet des élites politiques et médiatiques, aspiration à renouer avec un passé idéalisé.

Un malaise, un ras-le-bol. Tout ne tourne pas rond. Le statu quo ne suffit plus. Certains (une certaine gauche, une certaine droite, les « citoyens du monde », des gens instruits, les milieux économiques) feront les gros yeux et plisseront le front, comme les curés à l’époque : comment est-ce possible de penser de telles choses ? Ils se mettent à genoux, les mains croisées, comme contrits.

Et pourquoi pas ? Ces gens, qualifiés vite de réactionnaires, ont la légitimité totale de penser ainsi. Quand la mondialisation te fait perdre ton emploi, quand le multiculturalisme te fait perdre certains repères ou ravaler des valeurs, quand le futur te semble sombre, à voir les inégalités, les migrations de masse, le terrorisme, le travail précaire, le climat, il est normal de se tourner vers des alternatives différentes. Ça ne fait pas d’eux des racistes ou des fascistes. Il y a une détresse, des inquiétudes, une lecture autre des événements et des tendances.

Francis Fukuyama concluait en 1992 que la démocratie libérale et l’économie de marché n’auraient désormais plus d’obstacles. C’était la fin de l’histoire. L’islamisme radical et les Brexit de ce monde montrent le contraire. Au fond, ce que le peuple dit, face aux problèmes du monde, c’est que cette histoire, ces derniers temps, se faisait peut-être sans lui et surtout qu’elle n’est pas terminée.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.