J’éprouve en ce moment beaucoup d’affection pour un ami qui connaît son premier chagrin d’amour. Après une longue idylle d’une semaine, son amoureuse lui a préféré un blondinet mystérieux et taciturne. Mon ami en est au désespoir. C’est beau et triste. Beau parce que l’affliction de mon ami possède la sincérité d’un crachat et la pureté de l’innocence. Triste parce qu’à six ans, mon ami développe déjà le sens du couple et la gravité des imbéciles. Il ne connaît ni la légèreté de l’insouciance, ni la désinvolture du badinage. Mon jeune ami comprend que pour s’épanouir comme individu, il a besoin d’être en couple. C’est comme ça. Après le culte de l’individu, l’idolâtrie du couple. Les comédies dans lesquelles une jolie fille, généralement une forte tête, cadre dans une entreprise, dynamique et indépendante, se paie les services d’un faux fiancé pour impressionner sa famille et ses amis sont assez éloquentes à ce sujet. Sans surprise, ce sont donc les filles qui subissent le plus cette tyrannie. On le leur rappelle constamment. « Tu n’as toujours pas trouvé quelqu’un ? Comme je te plains, ma pauvre ! » On fait aux gars l’économie de ces remarques désagréables qui rappellent aux filles qu’elles ont laissé leur vie à côté de leurs pompes. C’est bien connu, les filles forment leur couple avec elles-mêmes.

 

Mais à bien y réfléchir, il est difficile de se mettre en couple. C’est un art avec ses codes en plus des critères sélectifs propres à chacun. Par respect pour la codification du couplage, il faut s’assurer d’avoir des amis qui organisent des 5 à 7 auxquels ils invitent d’autres oubliés de Cupidon. Vous savez, Cupidon, le facétieux gamin à la flèche ? Mon jeune ami n’a pas d’amis qui organisent des 5 à 7. Il ferait peut-être mieux de retomber en enfance. À s’obstiner de rester dans l’air du temps, on finit toujours par attraper un courant d’air. Le jour où cela changera, le monde ne sera plus le même. \


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