À l’aube d’un printemps chaud, et je ne parle pas de la température, j’ai envie de ramener au cœur du débat une notion que je trouve fondamentale, celle du bien commun. Ce bien que défendent souvent les militants environnementaux, les groupes féministes, les étudiants, les intellectuels, les regroupements d’éducation populaire, tous ces « militants » idéalistes… dont je suis.

Le bien commun, c’est le partage équitable des ressources et des richesses. C’est mettre à l’avant-plan des intérêts qui soudent les membres d’une communauté. C’est ce qui bénéficie à un plus grand nombre dans une perspective durable, à l’inverse de la privatisation, par exemple. À l’opposé de la dégradation de l’environnement, de la surexploitation des ressources naturelles.

Ce qu’on appelle de façon abstraite « le modèle québécois » était jadis fondé sur le bien commun, dans une vision du rôle de l’État comme outil de partage de la richesse. Le bien commun, c’est la richesse collective d’une société, dans l’optique où l’on envisage le développement de celle-ci pour le bénéfice du plus grand nombre. C’est un environnement sain, une éducation accessible, la liberté d’expression et d’information, un système de santé pensé pour les plus démunis, la sécurité alimentaire pour les enfants, la solidarité sociale pour les femmes et les vieux, etc.

Si la preuve m’avait été présentée que tous les efforts du gouvernement ont été faits pour redresser les finances de la province en tenant compte du bien commun, je voudrais bien envisager l’assainissement des dépenses publiques d’un autre œil. En échange, on favorise les entreprises et les mieux nantis par la fiscalité, on évite les mesures visant à combattre l’évasion fiscale et la mainmise des banques sur nos avoirs (et nos dettes!), on sabre dans tous les programmes qui ont pour rôle de redistribuer la richesse, notamment par des services publics. Troublante vision de société.

Un collègue s’insurgeait récemment que la Marche mondiale des femmes s’oppose aux projets pétroliers. « Pourquoi les femmes ne marchent pas pour des causes qui leur sont propres? » s’indignait le monsieur. Quelles sont donc ces causes qui leurs sont propres, justement? L’allaitement dans l’espace public? Le congé de maternité? À ce que je sache, les femmes composent 50 % de la population et les causes qui méritent d’être embrassées sont nombreuses et valables pour tout citoyen… même les étudiants.

Certains pensent que les militants anti-austérité ne comprennent rien à l’économie et qu’ils agissent en enfants gâtés en manifestant ou en votant pour la grève. Il faut dire que la propagande néolibérale est puissante pour construire un discours sensationnaliste et simpliste qui s’érige en vérité, qui oppose les points de vue plutôt que de proposer des rencontres constructives.

L’eau, bien commun universel

À l’échelle nationale, le contraire du bien commun, ce serait de donner l’autorisation à Trans-Canada de développer un réseau de pipeline qui traverserait notre territoire et les principales sources d’eau potable, dont celle de la ville de Montréal. En cas de déversement, un scénario catastrophe prévoit des coûts de décontamination frôlant les 10 milliards de dollars, aux frais de l’État, donc des payeurs de taxes. Un projet aux intérêts privés mais aux risques collectifs qu’on essaye de nous faire avaler à coup de campagnes de communication grassement financées.

Le contraire du bien commun, c’est le PDG de Nestlé qui affirme que l’accès à l’eau potable n’est pas un droit universel, pendant que la multinationale tend à prendre le contrôle sur les sources d’eau potable à travers le monde. La question est grave. Pas plus loin qu’à Saint-Mathieu, la source d’eau Eska est maintenant une propriété américaine, appartenant à Eaux Vives Waters, dont le siège social est à Toronto et qui en 2007 devenait une filiale de la banque américaine Morgan Stanley. Une fierté régionale qui, ironiquement, n’enrichit personne chez nous.

Je voudrais donc en finir avec l’idée que ceux qui militent pour le bien commun ne comprennent pas ce qu’ils font. Je dirais plutôt que c’est tout le contraire. C’est dans une vision globale des enjeux et dans une perspective à long terme que devrait se penser la société dans laquelle on vit. Et que ceux qui sont assez généreux de leur temps, de leur énergie et de leurs convictions soient considérés comme des citoyens par excellence parce qu’ils participent au progrès de leur milieu en éveillant les consciences, pour l’intérêt de tous, y compris ceux qui n’ont pas de voix, ou pas d’argent pour faire du lobby, pas l’information leur permettant de comprendre les enjeux qui les concernent.


Auteur/trice