« Quand je rappe, crois-moi, je vise ton cœur et ton âme » (Enfant de la terre)

J’ai vu des gens, portés par un rythme syncopé, découvrir un message de fierté et s’ouvrir à l’autre grâce à des idées véhiculées par Samian. Partout au Québec, peut-être partout au monde? Soudainement, le mélange des genres incubé dans du hip hop a opéré sa magie grâce à cet artiste, « dans les deux camps ». C’est armé de sa poésie tantôt dansante, efficace et sentie, puis apaisante, que se présente cette fois-ci Samian avec son nouvel album Enfant du monde, réalisé par DJ Horg.

On le trouve toujours actif pour faire la promotion de l’idée que les siens, comme il les appelle, peuvent s’approprier la défense de leurs droits et acquérir leur juste place dans notre monde. «Un indien au Canada, c’est un prisonnier politique» (REZ)

Il faut voir aussi, tout autant présente, une recherche, ici, une variante de quête identitaire sur sa réalité d’homme et d’artiste, avec des textes empreints d’une introspection touchante.

J’ai besoin de tracer ma ligne

De trouver mon équilibre

J’ai besoin de vous

Comme j’ai besoin d’être un homme libre […]

Jour et nuit, j’ai besoin de ma plume                (J’ai besoin)

La permission qu’il s’accorde de dévoiler l’humain qui donne le pas et le souffle au guerrier est renouvelante et doublement enracinante pour son œuvre au sein du mouvement hip hop. Il faut voir  en sa capacité de livrer des textes authentiques sur lui-même l’une des composantes essentielle à toute crédibilité dans ce style.

J’rappe pas pour m’valoriser ni pour rivaliser

J’rappe pour m’immortaliser

J’ai pris conscience de la portée de ma voix […]

J’déteste les rappeurs qui racontent du charabia […]

J’suis fidèle à moi-même, j’prétends pas triompher […]

J’donne pas du rap de vendu                             (Les miens)

On dégage de cette apparente dualité du message, ce qui s’avère plutôt être de la complémentarité. Cela, au vu titre de l’album et en posant le regard sur la pochette, qui montre un graphisme fait sur une photographie intitulée Navajo Child, captée en 1905. Comme personnalité publique et comme « simple citoyen », certes il faut savoir d’où on vient mais aussi à quel stade on en est dans son identité, pour bien situer le cadre d’une lutte pour la justice sociale. L’innocence, l’humanité, l’humilité en sont définitivement partie prenante.

Maintenant, que dire de la musique, du beat, des orchestrations et du ton? Ça bouge, ça groove, on a la tête qui se balance juste comme il faut. Le scratch et l’ingéniosité de Dj Horg sont là, dosés, juste assez habiles car rien n’accroche à l’oreille. C’est du bon hip hop bien fait, solide, qui blende ensemble, dans un mélange aux tons de reggae, de touches jazz, même de soul aux balades justifiées. La voix d’Esmeralda est complémentaire au timbre granuleux de Samian. La contribution du groupe H’SAO et de plusieurs collaborateurs à cette trame musicale insuffle de la chaleur à l’ensemble, l’une des forces énorme de l’album. Certaines chansons sont plus appuyées, sans être agressantes : on embarque dans leur voyage comme dans un train historique, pour voir ce qu’on ne voit pas d’habitude depuis la route.

Confession de l’auteure : le disque Enfant de la terre n’a pas encore subi le fameux test du char, comme le faisaient jadis les premiers rappeurs pour jauger leurs mixtapes. Je n’avais pas besoin de preuve : c’est un album feutré qui va autant sur la route que pour accueillir chez soi. (N’est-ce pas ce qu’on veut dans la vie…?) Allez-y, encouragez un artiste…! Son d’engagement est intègre et multidimensionnel; par un «son» groundé sur la vie et un talent demeuré manifestif comme au premier jour… // 4/5


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