L’hiver a fui… dans l’ordre des choses. Où est allé tout ce blanc? disait l’autre. Il a protégé la terre du froid mordant et il a servi de toile de fond au processus de création qui amorce son cours, irrémédiable. Car le miracle se produira une fois de plus. Il va prendre forme et s’épanouir sous nos yeux. Les forces de vie orchestreront la transformation et nous serons les témoins ravis de ce foisonnement cyclique saisonnier bénéfique et cela, sans qu’on ait à lever le petit doigt!

Or, pour peu que le jardinier lève le petit doigt, il aura tôt fait de s’investir tout entier dans son projet. Mais en comparaison avec les beautés que la nature générera d’elle-même, la part investie par le travail du jardinier équivaudra à une goutte d’eau dans l’océan! L’important étant que ses interventions soient orientées dans le sens des forces en présence; le jardinier «surfe» littéralement sur la vague déferlante et complètement enthousiaste du règne végétal qui répond «présent» et qui, ce faisant, réagit par un «OUI!» à la plus ardente stimulation qui soit! C’est un exemple à suivre, on embarque! C’est plus fort que nous!

Mais le jardin est éphémère, par définition. Il chevauche trois saisons et connaît sa naissance et sa mort la même année. Il s’inscrit sur quelques semaines alors que l’environnement évolue depuis des millénaires. Qu’à cela ne tienne, la pierre posée par le jardinier chaque année en toute modestie sera le fondement de valeurs qui méritent d’être perpétuées «pour la suite du monde» (sage parole que prononce l’un des protagonistes du film de Pierre Perrault La pêche aux marsouins à l’isle-aux-Coudres). Car le savoir-faire en la matière se perd. On est en train de jeter le bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, il est urgent de valoriser le jardinage à travers et au moyen des relations intergénérationnelles.

La question n’est sans doute pas de viser à tout prix la souveraineté alimentaire. Mais cette utopie n’efface pas pour autant la volonté de revendiquer en toute légitimité que les jardins se multiplient. Ceux qui arguent que le sol abitibien est inculte ne font même pas l’effort de reconnaître les réalisations qui confirment le potentiel considérable de l’argile. Elle s’ennoblit si le travail est pertinent et orienté.

Lorsqu’on sait, maintenant hors de tout doute par les liens que les scientifiques ont établis entre l’alimentation et la santé, qu’il n’est pas souhaitable que l’offre de l’industrie alimentaire constitue l’essentiel du régime des jeunes familles sur une base régulière (le menu hebdomadaire des familles à faible revenu s’élabore souvent à partir des rabais de la circulaire), comment ne pas préférer écarter cette menace en introduisant dans nos vies de meilleures habitudes comme celles d’une nourriture saine, fraîche et accessible parce qu’à proximité, de qualité biologique et à moindre coût? Que de qualités, que de merveilleux bénéfices, gagnés grâce à un loisir si agréable! Quelques heures par semaine, passées au grand air, une bêche à la main et le sourire aux lèvres, vous apporteront un bonheur incomparable que vous ne devrez qu’à votre persévérance.

Jetez un œil sur de nouveaux horizons : les jardins font les plus beaux paysages. Le jeu en vaut la chandelle! Il ne s’agit pas de prétendre à de si grands exploits. Il y a un début à tout. Si les variétés les plus gourmandes prennent plus d’espace, tenons-nous en à de petits espaces et à des cultures faciles. Il y a là une école d’une richesse inouïe! N’attendez pas la retraite pour vous improviser jardinier et pour profiter des bienfaits qui en découlent, tant pour le corps que pour l’esprit.

En mai, il n’est pas trop tard pour semer en pot, d’abord dans la maison puis, lorsque tout danger de gel est passé, à l’extérieur, concombres, courgettes, fines herbes et annuelles variées, en prenant soin d’adapter les plants petit à petit, les exposant au vent, au soleil et aux intempéries. Peu de temps après, radis, laitues, épinards, roquette, fèves, pois et autres viendront compléter les premiers au jardin. Pour peu que vous soyez observateur et attentif aux besoins manifestes, vous aurez tout le loisir de tirer parti de l’expérience vécue et n’aurez qu’une envie, celle de recommencer l’an prochain, même pour trois radis ronds rouges à bout blanc.

Et tout ce blanc sera remplacé par les couleurs de la saison nouvelle.


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.