Sans faire de bruit autre que celui du bois qui fait résonner le pincement des cordes, le Festival des guitares du monde de l’Abitibi-Témiscamingue se taille une place enviable sur le circuit des événements régionaux et des rassemblements de mélomanes. La cinquième édition, qui se tiendra du 23 au 31 mai, devrait continuer à nourrir la ferveur des amateurs de ­musique tous azimuts.

Au moment d’aller sous presse, à la mi-avril, c’est à pas moins de 24 spectacles que l’on conviait les amateurs de guitares en tout genre. On passera ainsi du jazz au blues, on plongera dans la musique cubaine, on swingnera avec les manouches et on rockera ferme. Tout ça en neuf jours, dans le triangle formé par le Centre des congrès, l’Agora des arts et le Petit théâtre du Vieux-Noranda, tous situés à un jet de pierre l’un de l’autre.

Cette année encore, l’éclectisme est au rendez-vous. Aux figures populaires que sont Lynda Lemay, les Lost Fingers (présents à chaque édition depuis les tout débuts) et Chico & the Gypsies (excroissance des bien connus Gypsy Kings) s’harmonisent les Alex Cuba (musique d’inspiration cubaine), Larry Carlton (récipiendaire de trois trophées Grammy), Rik Emmett (ancien du groupe canadien Triumph) et le légendaire bluesman John Hammond. Et c’est sans compter toutes les découvertes auxquelles le Festival nous a habitués au fil des ans.

 

Tenir la note

Quand on lui demande ce qui le rend le plus fier de cette cuvée 2009, le coordonnateur de l’événement, Alain Vézina, s’exclame : « d’être toujours là malgré la crise économique! La récession frappe de plein fouet, et malgré tout, les commanditaires sont là et on ajoute une journée à notre programmation. » En fait, on dirait même que le Festival n’a que faire des tribulations de l’économie : en plus des spectacles en salle (pour lesquels les tarifs vont de 7 à 87 $), des spectacles gratuits sont prévus aux cinq coins de la région (incluant Malartic cette année), on présente une exposition de peintures et de photos, on offre des prestations en pleine rue au centre-ville de Rouyn-Noranda et on envahit pacifiquement les rues de Noranda pour donner plus d’ampleur à cette fête de la musique. Décidément, la capitale du cuivre – et une bonne partie de l’Abitibi-Témiscamingue – se chan­gera en capitale des cordes.

Une partie du succès du Festival s’explique par la richesse de sa programmation. Mais comment un marché somme toute minuscule comme celui de Rouyn-Noranda peut-il ­attirer autant de grands noms de la ­musique? « L’accueil que l’on ­offre et le public incroyable sur lequel on peut compter font en sorte que les musiciens acceptent un cachet de 30 à 40 % moindre que ce qu’ils touchent dans d’autres marchés, s’émerveille M. Vézina. Les artistes repartent d’ici avec le sentiment d’avoir conquis une foule généreuse. » À cela, il faut ajouter que la réputation du Festival s’établit solidement et que le mot commence à se passer qu’un événement sympathique se déroule chaque année au nord du 48e parallèle.

Et il n’y a pas que les artistes qui sont charmés par l’ambiance qui enveloppe la ville et les choix des programmateurs. « Le Festival des guitares du monde est l’événement qui attire le plus de touristes, soutient Alain Vézina, et ce, sans qu’on dépense des fortunes en publicité. Des gens d’ici, mais aussi de l’Ontario et des États-Unis, sont prêts à payer plusieurs centaines de dollars pour vivre un trip de musique dans une ambiance stimulante. » Le nombre de ces touristes culturels devrait augmenter au fil des années à venir : un journaliste du New-Yorker relatera à ses lecteurs son expérience chez nous, un documentaire en anglais sera tourné pendant cette cinquième édition, quelques spectacles seront enregistrés en vue d’être publiés et trois spectacles feront l’objet d’une captation pour Espace musique, la chaîne musicale de Radio-Canada. Déjà, la vente de passeports offrant l’accès à tous les spectacles est passée de 30 à 200 en cinq ans.

Les cordes vibrent, la région aussi

Les retombées pour la région sont considérables, et pas seulement économiques. Cette année seulement, plus de 70 artistes originaires de la région se produiront sur scène, dont la cinquantaine de l’Orchestre symphonique régional, le virtuose Rémi Boucher et les Témiscamiens de La Baie du Sauvage. De plus, grâce aux spectacles présentés à Rouyn-Noranda, La Sarre, Amos, Val-d’Or, Ville-Marie et Malartic, des gens de partout ont accès à des spectacles de qualité. Les musiciens amateurs trouvent aussi leur compte grâce au spectacle de la Relève dont les fruits sont mûrs : certains participants aux premières éditions reviennent cette année comme artistes établis. Enfin, le Festival remplit un rôle quasi pédagogique auprès du public d’ici. Alain Vézina explique : « Dès le début, un de nos objectifs essentiels était de développer le goût et la curiosité des gens d’ici pour la musique. » La popu­larité croissante du Festival permet de croire que ce pari a été remporté par l’équipe du FGMAT.

Que réserve l’avenir à cette fête de la musique? « Notre plus grand défi est la stabilisation, affirme le coordonnateur. Notre programmation pour la 6e édition est complète à 80 %, et le format de l’édition 2011 ressemblera beaucoup à celui de 2010. » Ainsi, la visibilité du festival est en hausse et le bouche à oreille fait son œuvre; ajoutons à cela la confiance croissante des gens de la région pour les découvertes qu’on leur propose et l’avenir s’annonce fort mélodieux pour le FGMAT. De la confiance en l’avenir et beaucoup de musique : n’est-ce pas ce que l’on peut souhaiter de mieux en pleine période de crise économique?


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